édito 2o24

Fin de la biosphère . . de la démocratie . . du droit international . . de l’humanisme . .

L’horizon écologique s’assombrit, s’aggrave et s’accélère, inexorablement. Mais il n’est que l’arbre qui cache la forêt des autres horizons délétères qui le précèdent déjà : l’horizon belliciste du géopolitique, l’horizon insurrectionnel du social, l’horizon régressif et morbide de l’anthropologique le plus bestial. Sur tous ces fronts, le recroquevillement sur l’Identité et la sécurité s’exacerbent alors que s’estompent les solidarités et les luttes pour la justice. Les systèmes autoritaires se multiplient et se durcissent, les derniers systèmes humanistes, si peu et de moins en moins démocratiques, se laissent emporter. La récession du grand barnum thermo-industriel mondialisé est amorcée. Saura-t-on répartir équitablement les dommages des ravages qui s’annoncent dans ce monde de prédation inégalitaire qui n’a jamais rien su partager ? Les puissances installées s’organisent, elles s’arcboutent sur la défense de leurs acquis et si possible sur leur accroissement au détriment des rivaux. Les promesses de la modernité des Lumières se réalisent . . sous formes de post-modernes de monstres inattendus et cauchemardesques.

Est-ce du complotisme que de dire que les enjeux affichés par les derniers empires ne sont que des mises en scène pour taire les enjeux profonds ? Hier encore d’aucun attaquait ici l’Irak ou l’Afghanistan, là la Libye ou le Yemen, etc., les envahisseurs d’alors se faisaient passer pour des pacificateurs, des vengeurs ou des démocratiseurs. Mais quels étaient leurs buts réels derrière leurs fables médiatiques pour spectateurs crédules ? Ils sont évidents dès lors qu’on analyse leurs déterminants physiques, anthropologiques, sociologiques, écologiques.

Le XXIe siècle est déjà à l’agonie, dépourvu de solutions de survie face aux débâcles annoncées. Un XXIe siècle qui n’a d’autres projets de soins palliatifs pour ses populations que les bonnes vieilles luttes médiévales entre seigneurs. Nous n’assistons pas à la guerre de peuples contre d’autres peuples, mais à celle d’oligarchies contre d’autres oligarchies, de dealers contre d’autres dealers, de mafieux contre d’autres mafieux. Des guerres de gros durs cyniques par peuples interposés, apeurés et maltraités. En un mot, nous assistons aux dernières luttes entre empereurs rivaux sur le dos de leurs populations terrorisées et écrasées. Les puissants savent que le monde d’avant est fini, depuis des décennies, désormais ils se toisent, s’arment et s’affrontent dans la dernière lutte des derniers géants pour être non pas le vainqueur, il n’y en aura pas, mais si possible le dernier vaincu. Telle est déjà la défaite des vainqueurs.

Ici c’est le Tsar de Russie, d’origine national-bolchébique, qui embrase l’Ukraine au prétexte que l’empire US y manoeuvre ses marquis européens pour contrer son projet eurasiste. Là c’est le colonisateur de la Palestine, qui fait le siège de Gaza par des méthodes peu ou prou génocidaires, en prétextant d’un droit de légitime défense surpris par des actes de résistance inattendus par leur caractère et leur ampleur. Sans oubier les nombreux autres conflits, ignorés des médias occidentaux, qui ne sont pas moins barbares. Et pendant ce temps, l’Europe fait semblant d’exister en corsetant ses membres dans son néolibéralisme aussi forcené que corrompu et, de facto, une Europe génératrice des illibéralismes souverainistes fascisants qui s’y développent fatalement contre elle-même.

Hier encore c’était les Bush père et fils qui démocratisaient le Moyen-Orient avec la même ferveur impériale. Quels autres pharaons des autres pyramides de Ponzi engageront demain les monstruosités suivantes ? Quels empereurs d’Asie, quels geôliers de Gaza ou de Cis-Jordanie, quels Sultans ou Califes du désert, quels néo-cons états-unien, quels Kaisers des Balkans, quels crypto-milliardaires mégalomanes ? Quels autres peuples de Babel embrigaderont-ils pour persécuter leurs voisins ? Ces affrontements ne sont-ils pas d’ores et déjà un exterminisme plus radical encore que celui que promet l’effondrement écologique ?

Du haut de quelles pyramides de Ponzi ces oligarchies de la puissance d’agir règnent-elles ? Deux gros leaders sont d’ores et déjà placés pour être les finalistes : l’empire néomercantiliste Chinois d’une part et le complexe militaro-industriel US d’autre part. Ils vont s’affronter jusqu’au bout et se combattent déjà par l’entremise de quelques intermédiaires impétueux, envoyant au casse-pipe les auxiliaires prétendants, réticents ou supplétifs. Autour des grands seigneurs gravitent la cohorte des petits prétentieux qui se croient encore souverains alors qu’ils ne sont déjà plus que des larbins. L’oligarchie militaro-gazière russe menée par le Kremlin, la théocratie d’Iran menée par son guide suprême, le sanctuaire colonialiste Israélien mené par son geôlier de Gaza et de la Cis-Jordanie, les monarchies pétrolières du golfe, l’héritier de l’émirat ottoman, la technocratie ordolibérale de l’UE, etc.

Tous ces joueurs sont assis sur les épaules de leurs Babels respectives en maltraitant leurs populations les plus fragiles, nécessairement. Il suffit de s’informer, même superficiellement, pour faire la longue liste des peuples maltraités sur tous les continents. Partout où les pyramides de Ponzi exercent leur puissance d’agir, elles le font nécessairement en se nourrissant de la puissance de pâtir des peuples. Ces derniers sont-ils complices ou victimes ? Ou les deux à la fois ? Comment et pourquoi ? Pour répondre il faut distinguer de quels peuples on parle, quel peuple prend les coups, quel peuple les porte et entre les deux quel peuple dors encore et quel peuple au réveil choisit quel camp. Les conflits sont désormais ouverts entre les défenseurs de la justice pour les plus faibles et les défenseurs de la sécurité pour ceux qui pensent avoir quelque chose à perdre.

L’humanité est cette espèce animale devenue suffisamment habile et insatiable pour développer sa puissance par consomption ardente et soutenue des ressources de son biotope. Mais elle est aussi cette espèce suffisamment débile et stupide pour persister dans l’erreur tout en constatant qu’elle se suicide. C’est un syndrome très connu, celui de l’addiction, celui du choix de jouir ici et maintenant en croyant remettre à plus tard l’overdose fatale. Nous ne vivons pas un écocide, nous vivons un anthropocide. Frédéric Lordon ajouterait « Cet anthropocide est capitaliste, et il n’y a pas de solution capitaliste à l’anthropocide capitaliste ». Plusieurs biais anthropologiques profonds poussent l’histoire des hommes vers cette impasse d’autant plus sûrement que dealers et junkies partagent peu ou prou les mêmes biais.

L’humanité est une multitude dont l’espérance de vie de chaque individu est inférieure à l’espérance de vie de l’espèce, de sorte que chacun n’envisage l’overdose et le sevrage que pour les autres ou pour plus tard. L’humanité est également une multitude d’êtres dotés d’affects communs ambivalents, solidaires tout autant que concurrents, et donc mus par les processus de la rivalité mimétique. L’homme est un animal agressif lorsqu’il passe en mode survie, son égoïsme court-termiste est porté par ses peurs, ses envies, ses jalousies, bien avant sa rationalité, sa circonspection, sa pondération. La sociabilité, la solidarité, l’altruisme, sont métastables, fragiles, toujours éphémères, souvent corruptibles. Les instincts de survie quant à eux sont des moteurs comportementaux inextinguibles, tout juste pondérés par la raison mais seulement quand celle-ci est en mesure de s’exercer, c’est à dire par temps calme.


Les vérités scientifiques n’émergent qu’au fil du temps. A propos de la pandémie COVID-19, ses conditions de possibilités, ses causes effectives, les politiques sanitaires mises en place, ses conséquences individuelles et collectives, etc., rien n’est plus nécessaire que de dissiper les peurs pour regarder la réalité en face. A cette fin, le Comité Scientifique Indépendant réunit publiquement mathématiciens, statisticiens, médecins, psychiatres, biologistes, universitaires, praticiens, philosophes, sociologues, etc., pour partager, échanger et discuter leurs expertises respectives, raisonnables et rationnelles. Tout y est discutable évidemment, comme tous énoncés scientifiques, mais rien ne peut y être ignoré pour quiconque souhaite développer un esprit critique, libre et éclairé. Cliquer ci-dessous :


L’humanité est aussi une multitude de « personnes morales » (entreprises, réseaux, banques, fonds, etc.) dont l’espérance de vie se veut supérieure à celle des « personnes physiques » mais dont l’addiction à la puissance est d’autant plus forte que le bénéfice d’en jouir est très supérieur au risque d’en périr. Ces « personnes morales », euphémisme nauséabond, sont lourdement investies dans les énergies fossiles et feraient faillite si ces ressources lucratives étaient proscrites. Toute tentative de bifurcation de l’économie entreprenant de décarboner les approvisionnements énergétiques, directs ou indirects, devra s’opposer à leur résistance acharnée. Cette résistance, d’abord fraudeuse et corruptrice, sera vite mafieuse et finalement criminelle.

Jusqu’au siècle dernier notre société reposait sur trois piliers. Le pouvoir partagé, par le débat démocratique remplaçant le monarque. Le droit et l’égalité devant la loi, assurant la protection de tous les citoyens face aux tyrannies. Le respect de la propriété privée, inaliénable et sacrée, mais respectant les limites de la liberté publique pour tous. Le post-libéralisme, néo- ou ultra-, a disloqué cette structure en re-sacrilisant le pouvoir politique. On a remis un roi sur le trône, le « Saint Marché ». On a abandonné les pouvoirs effectifs aux abuseurs, aux profiteurs des libertés privées lucratives. Les droits et biens communs hérités de l’après-guerre ont été détournés au profit des droits et biens privés. Les externalités négatives, sociales et écologiques, se sont multipliées et leurs coûts exclus des comptes privés. Et pour cause, ils ont été affectés aux charges publiques avec le « consentement » des contribuables endormis. Tel est le mantra du néolibéralisme : privatiser les profits, socialiser les pertes.

Quelle est la seule issue politique qui se donne pour objectif l’intérêt général, au moins celui de minimiser les souffrances du plus grand nombre ? En théorie il n’y a que deux options à l’échelle d’un pays civilisé. Ou bien une société décentralisée, communale, cantonale, d’une multitude de lieux à même d’assurer une gestion des communs. Ou bien une société centralisée, régionale, nationale, suffisamment dirigiste et autoritaire pour organiser une bifurcation économique écologique et sociale. L’optimum politique est composé des deux. Pas par un compromis mou mais par un arbitrage stratégique aussi démocratique et déterminé que possible. Il s’agit de créer les conditions de possibilité d’initiatives et de projets écosocialistes raisonnés, centraux et locaux, publics et privés, pour lesquels la finance et toutes les industries énergivores et extractivistes doivent être nécessairement et drastiquement controlées par le concert des états-nations redevenus stratèges économiques souverains.

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L’humanité n’a plus guère de temps pour réagir. Non pas pour inverser la dérive climatique mais pour échapper au couperet qui va nous interdire de nous adapter. Pour minimiser les souffarnces du plus grand nombre il va falloir beaucoup de sciences, de technologie et surtout beaucoup de matières premières et d’énergie. Or ces ressources commencent déjà à ce tarir. Le grand sevrage thermo-industriel est commencé, d’ores et déjà beaucoup plus subi que choisi. Saurons-nous le gérer « dignement », « éthiquement » ? Ou le subirons-nous au gré des luttes barbares entre les derniers oligarques ? Pour l’heure la réponse tourne au tragique. En Europe et en France en particulier, les junkies néolibéraux sont à la godille quand ils ne sont pas à l’écope. Hier encore ils signaient à tout-va des accords de libre-échange avec tous les affairistes de tous les dumpings sociaux, fiscaux ou écologiques. Aujourd’hui ils tentent de sauver la face en cachant de plus en plus mal leurs incompétences et leur panique.

Nos tours de Babel s’affaissent et s’effondrent sous le poids insupportable de leurs flèches sommitales de Ponzi. Le temps presse, il est urgent que les peuples retrouvent leurs souverainetés. Ou pour le dire à la manière de Spinoza, que les blocs populaires se réapproprient leur puissance d’agir au moment ou les blocs bourgeois, maîtres de l’extractivisme thermo-industriel, les assujétissent en exploitant jusqu’à la lie leur puissance de pâtir.

La tripartition à la française n’est pas une exception. Elle se généralise et se creuse : 1 – Écosocialisme (à gauche), 2 – Néolibéralisme (à l’extrême centre) et 3 – Conservatisme réactionnaire (à l’extrême droite). Elle deviendra : 1 – L’écosocialisme à l’européenne, accroché au fédéralisme vert tel que celui rêvé des EELV, et qui ne sera jamais ni fédéral ni vert, 2 – Le capitalisme thermo-industriel green-washé, contrôlant définitivement les instances de l’UE via l’OTAN, elle-même sous contrôle des desiderata géopolitiques des USA et 3 – Les paranos identitaires sécuritaires de l’Europe blanche judéo-chrétienne, demeurant dispersés par leurs vieilles valeurs aussi obsolètes qu’étriquées mais désormais rassemblés pour rejeter sans pitié les millions d’exilés qui quittent pour toujours, volontairement ou par la force, leurs terres natales devenues invivables.

Il est désormais certain que nous n’échapperons pas aux conséquences de l’effondrement écologique provoqué par les économies capitalistes extractivistes et thermo-industrielles dites « développées ». Les premiers effets s’étalent sous les yeux de celles et ceux qui ne dorment plus, et la croissance des externalités négatives (c’est-à-dire des dégâts collatéreaux) sont si abruptes qu’il n’est dorénavant plus possible de croire que le réchauffement sera contenu sous 1,5 °C. Le nouvel horizon de l’action publique est clair : s’adapter. Mais, dans cette dispersion politique et cette atomisation économique de la société, de quelles adaptations serons-nous capable avec un minimum de dignité ?

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jef Safi

Les inserts vidéos ci-dessus sont une sélection des épisodes que nous jugeons significatifs et les analyses que nous estimons pertinentes de la période. Il s’agit d’un point de vue ouvert à la critique i.e. au « débat aussi objectif et raisonné que possible, écartant l’autorité des dogmes, des conventions ou des préjugés, auquel on soumet quelqu’un ou quelque chose pour mieux en appréhender les caractéristiques, y compris un jugement des qualités et des imperfections ».