édito 2o21-1

C’est alors qu’ je m’ réveillai . . 

(Rap somnambule . . à mon père qui n’en raillait pas moins, à bas bruit, . . bien trop bas.)

Bouton vert oui, rouge non, une seule case par choix multiple. Je me sentais un tantinet infantilisé, moi et mes 45 ans d’informatique. Avez-vous lu les consignes CastX19 ?→Vert. H, F ou autres ?→H. Age ?→65-70. Poids ?→70-80. Dernière volonté ?→Rouge. Nous avions un peu froid, nus sous nos masques, mètre après mètre dans l’ordre d’arrivée au centre #Shop-Ton-Covid. Enfin on nous plaçait. J’étais seul à l’étage 65-70 de la pyramide des sièges. En bas des mômes riaient. Juste au-dessus la vieille priait. Face à nous, la catapulte tirerait 19 balles : 8 de tennis, 6 de golf, 4 de LBD et 1 de Kalach. J’avais confiance dans l’égalité de la méritocratie des chances.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Les jeux coopératifs exaltaient les solidarités. Pour stimuler les initiatives, les plus prospères s’essayaient au ponzi-monopoly dérégulé. Les premiers chasseurs de primes blanchissaient leurs rentes et contaminaient la fête. Tout perdant devait être haut et court confiné. Les rares rentiers-créanciers snobaient sans masque la pandémie des fauchés. Sur sa planche à faux billets, le ponzi-banquier lançait la partie de shadow blackjack et effaçait les dettes des pokers menteurs à main armée. Les derniers mafieux jouaient leurs faux contrats à la roulette russe, le peuple des riens leurs vrais yeux face aux robots-cognes à LBD. Ah, ça irait, ça irait, ça irait !
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Le conseil scientifique ne consulterait pas le comité d’éthique. L’antiviral ne serait pas homologué avant des mois et il était trop tard pour noyauter les anti-vaccins. En revanche, le neuroleptique CastX19 de Sanophex était déjà validé en banlieue jaune. On y observait un fort recul des incivilités rebelles et les algorithmes y mesuraient une entropisation éclatante des hashtags crétiniques, sans hausse significative des indices complotistes ou fétichistes. Des promesses ici, quelques cadeaux là, et les ministères de l’Intérieur et de la Santé adopteraient le protocole textile. Mercredi, le président ordonnerait la gratuité des masques imprégnés.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .
 
Les sécrétions lacrymales n’éliminaient plus les virus pris par les yeux. Désormais, les masques devaient être dépliés jusqu’au front. Tous les joueurs désormais chasseurs, les mains attachées dans le dos faute de gel, entraient en collision contagieuse sans se prévenir de visu du pot au noir. La maréchaussée, toute de transparence masquée, arbitrait et dressait les procès verbaux sans oublier d’abuser d’ardeur diligente. Elle démêlait les faux éraflés des vrais estropiés pour ne pas saturer les réanimations. Et pour cause, en l’état des connaissances, tous les soignants, dévoués, héroïques, devaient eux aussi se plier aux règles de #ColinMaillard.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Scientifiques et philosophes s’accordaient pour admettre qu’une corrélation n’est pas nécessairement un symptôme de causalité. Elle s’avérait spectaculaire, constatée dans tous les gros clusters du monde entier, par de très nombreux observateurs plus ou moins indépendants mais tous convergents. Les vibrations de l’air, dans le spectre acoustique usuel, catalysaient les mutations et fortifiaient la toxicité des virus en aérosol. Les autorités, en mal de crédibilité depuis le début, ne pouvaient risquer d’être prises une fois de plus en flagrant délit d’incurie ou de négligence. L’impératif du masque se doubla immédiatement de l’injonction au silence.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Si mon Triangle d’Or est en zone rouge ? Ta question est humiliante, rétorqua Ludovine de La Rochette au pigiste de FrInfox, pense à ta carrière mon petit. Nous seules, en ces temps de disette, savons faire rayonner Paris quoi-qu’il-en-coûte. De Dior à Vuitton, de Nina à Coco, nous sommes les fa.. phares de Calvin, de Sonia et d’Yves. J’ai l’oreille de Brigitte, nous gagnerons le droit à l’Outrage Par Autrui. Jamais nous ne flétrirons nos peelings sous une muselière. Jamais ! Nos caméristes porterons la nôtre par-dessus la leur. Si elles veulent cacher ces horreurs, nous obtiendrons la levée de l’interdit du voile et Pierre-Alexis créera pour elles le Carré CastX19.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Un quasi-consensus physico-sociologique émergeait entre terriens : toute pyramide de Ponzi est dissipative, funestement. Notre babel-foutoir ponzi-financier itou, évidemment. Ce néo-consensus incluait une sursis-conclusion : quid de ponzi-pyramider jusqu’à demain ou d’effondrer la ponzi-babel dès ce Grand-Soir ? Entre shootés du haut et grugés du bas, nous n’en chahutions qu’avec force tartuferies, disputes, barbaries et autres exactions collatérales. En attendant la sainte ponzi-convulsion rédemptrice, on colmatait les fuites : un masque devant les orifices du haut, avant de hurler, un autre sous les stigmates du bas, avant de tirer la chasse.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

L’Agriculture lobbyait en faveur du masque au concombre bio. Le concombre lissait la peau des méninges, éliminait les infoxines réfractaires. Il matait énergiquement les idées trop jaunes ou insoumises. Le concombre masqué CastX19 était conçu pour apaiser le lobe frontal après une trop forte exposition aux irradiations intellectuelles. Ressourçant, rafraîchissant, il soulageait l’humiliation. Purifiant, astringent, il désincrustait les neurones en absorbant les excès d’acide colérique. Bayer aux corneilles en facilitait la pénétration. Il était interdit de retirer son masque facial pour l’engloutir par voie orale. Le ministère de l’Intérieur prônait un autre protocole.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Les tests trop tardifs étaient bâclés, les faux négatifs mal soignés, les faux positifs mal tracés et les faux-culs trop bien télévisés. Les campagnes de dépistage concurrentes dispersaient des résultats impossibles à consolider. Les labos s’obstruaient de files d’attente fébriles et paniquées. Les clusters confinés s’étendaient au-delà des grandes cités. La deuxième vague s’enflait et déferlait. Les stigmates obscènes des covidés errants effrayaient les âmes sensibles des bobos épouvantés. Après consultation des préfets hérissés, le surgé CastX19 imposait le port du « masque républicain », à élastique abdominal, pour cacher les nombrils top-cropés.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

La pandémie creusait les inégalités aussi bestialement que l’Intérieur éborgnait les révoltés. Les #MasquesJaunes étendaient les luttes en multipliant les ronds-points. Le détournement #GJscan de l’app gouvernemental Shop-Covid, leur permettait de contrôler la jauge maximum des rassemblements en lieux ouverts. L’app TagMyFace anonymisait les textos grâce aux index des #GJ partagés sur le cloud miroir. Soucieux d’offrir à tous une information pluraliste anti-sauvage, l’in-sultant exigeait des médias sûrs la distribution de smart-masques 5G, au libre choix de son canal unique : xNews, LCx, TFx, ValActux, BFx, FrInfox, Libx & ParisMax.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Notre 1er de cordée exigeait le masque 7j/7, 24h/24, partout et à jamais. Il n’échapperait plus à la revendication de gratuité, ni à l’exigence de confort extrême. Les prêtres de l’IA, flanqués de leurs bedeaux agiles, avaient fourbi l’Algo ad hoc. Ils avaient essoré tous les rhizomes sociaux et isolé les deux traits considérés cardinaux par le peuple lui-même : «On nous traite comme de la merde !», «On nous parle comme à des chiens !». Le masque universel serait donc déroulé en triple épaisseur, la face douceur imbibée de CastX19. Il serait jetable, sauf la laisse et le collier, et recyclable ad lib pour tous usages hygiéniques, en couche, en tampon ou en rouleau.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Les covidés (corona ruminantia larvatum) étaient une famille de ruminants masqués répartie en 19 sous-familles. 1/ Les blindés (dentes divitiis) anthropophages. 19/ Les sans-dents (neque dentes) scatophages. Les autres étaient répartis selon les 17 ratios désir/dégoût de la colline de Ponzi. L’économie covidée, aussi circulaire qu’équitable, exigeait le port du masque CastX19 pour feindre d’amortir les gros écarts d’appétence. Les sans-dents, nourris du ruissellement des déchets du haut, masquaient leurs chicots. Les blindés masquaient leurs strass et onlays, sauf en mâchant les sans-dents qui atteignaient, gâtés, ragoûtants, le sommet de Ponzi.
    C‘est alors qu’ je m’ réveillai . .

Une logistique sans égale livrait le vaccin CastX19 à domicile par Congelissimo. Après 19 heures de décongélation, chacun disposait de 19 minutes pour l’auto-injection. L’aiguille, à usage unique, se brisait toute seule dans le muscle. La Santé déconseillait la fesse pour ceux qui souhaitaient s’asseoir sans effet secondaire. L’Intérieur préconisait plutôt la langue, l’oeil ou mieux : la moelle épinière. L’app CovidToss confirmait aussitôt à chacun la traçabilité 5G de son aiguille et de ses ARN-messagers connectés. Dès lors, en récompense de sa civilité sanitaire, chacun pouvait suivre gratis sa charge virale en temps-réel, qu’il soit immuno-testé ou placebo-dropé.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Les despotes fascisaient. Les forêts suffoquaient. Les oligarques blindaient. Les océans plastifiaient. Les racisés étouffaient. Les néolibéraux incontinaient. Les insolvables rendaient l’âme. Les ballots merdoyaient. Les empires bâillonnaient. Les 1ers de corvée fléchissaient. Les m’as-tu-vu dégoûtaient. Les migrants trépassaient. De cynisme, de sang, de feu, la biosphère sombrait, répugnante, fétide, irrespirable. Ceux qui n’étaient pas shootés ou endormis, imploraient l’anosmie. Epinglée au blair, par dessus ou sous le masque, en appoint de l’antalgique CastX19 pour serrer les dents, la pince à linge s’imposait désormais comme anesthésique terminal.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Les #BigPharma s’arrachaient le jackpot du siècle. Paniquez ! Les doses flaconnaient à pléthores, à flux forcés, sans le moindre résidu délétère. Ayez confiance ! Aucun ARN synthétique, aucun, ne buguait ses nucléotides sous les séquences de CRISPR-CastX19. Attendez votre tour ! Aucun adénovirus manipulé, aucun, ne dardait d’autres protéines que la Spike P3-boostée de Wuhan. Courez‑y vite ! Aucun covidé, aucun, n’était cobaye naïf de phase 3, QR-codé de phase 4, abonné aux rappels variants de phase 5+n, assureur en dernier ressort de phase N+p, au hasard de l’infinie combinatoire OGM des séquelles auto-immunes tardives. Relevez votre manche !
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .

Le vigile repoussait les QR-codés trop hargneux. Toi entre ! La réunion des rétifs anonymes commençait. Assieds-toi ! Chacun témoignait de son rejet du dictat sanitaire. L’inquiet, au vu des alarmes de pharmacovigilance. L’insoumis, allergique à la doxa lénifiante. Pour soustraire des stats un rebelle de plus, l’arbitre exhibait son CastX19, engageait sa cartouche quotidienne et lançait le manège du barillet. Toi ! Clïck ! Les épargnés gardaient toute leur liberté de choix. Clïck ! Ils signaient. Clïck ! Soit pour le vaccinodrome, – Clïck !- soit pour la prochaine réunion. Clïck ! L’éclairé du jour ? Sa balance bénéfice/risque restait à jamais inestimable.
    C’est alors qu’ je m’ réveillai . .


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Rien n’est plus surréaliste que la réalité elle-même.
Rien n’est plus certain que l’improbable.
Rien n’est plus croissant que l’Entropie.

(CC) Jef Safi ( Mediapart / Le Studio / Blog : « De l’entre . . à l’autre » )