édito 2o14

Au fur du for

Un Beau jour . . tout se mit en place. Beau, parce que je m’efforçais vers lui depuis . . mon petit toujours, avec tout ce que j’avais glané au fur et à mesure de . . mon petit partout. Rien ne semble en réchapper depuis, ni n’en réchappera jamais plus, à part mon petit corpus biologique, naturellement, lorsqu’il s’épuisera, fatalement.

Ce tout est . . ma philosophie, c’est-à-dire à la fois une métaphysique, une cosmogonie, une physique, une ontologie, une monadologie, une phénoménologie, une écologie, etc., mais dans un agencement d’énonciation personnel . . ni plus, ni moins.

Je sais, on les a sur le bout de la langue et pourtant on ne trouve ni le substantif ni l’adjectif qu’on souhaiterait pour désigner une telle extravagance, une telle bouffée, une telle enflure, un tel . . raptus. Ce pourrait être quelque chose comme « délire fantasque », « hypostase stérile », « hallucination irréfragable », « catabolite superfétatoire », « idiosyncrasie hystérique », « illumination ridicule », etc. Pour le moment, pour la syntagmer et pour au moins la blog-noter ici ; je la nomme ma théorie ’pataphysique de la Créativité Générale, alias la t’CG. « Créativité Générale » pour en agencer les concepts face au Cosmos, « ’pataphysique » pour garder les pieds enfoncés dans le compost, et le tout dans une même « théorie » pour faire reliAnce de ces deux tropismes apparemment opposés.

J’ai pensé aussi à Métaphysique du vide-médian, beaucoup plus fin et juste, mais trop abscons et prétentieux. Et d’un pas de coté encore à ’Pataphysique du vide-médian, mais la figure n’est plus alors qu’une contorsion möbiusienne même avec son préfixe apostrophique.

Au fur et à mesure de la maturation d’un for intérieur d’idées adéquates ?

Enfant, obéissant, je m’efforce de croire aux ritournelles des vérités révélées, celles qu’on nous raconte qu’elles soient apostoliques ou académiques, et qu’on nous drape dans leur tranquillisante immuabilité. Mais j’ai du mal à admettre que les apparences soient nécessairement trompeuses alors que tout montre, au contraire, et d’évidence, qu’il n’y a d’immuable que l’évolution de tout et que c’est bien parti pour durer . . plutôt éternellement.

Adolescent, désobéissant, il me devient insupportable de croire pour croire par foi, de savoir pour savoir par cœur, je veux comprendre pour com-prendre . . par ce que. Alors je m’évade de la vacuité de l’enclos familial pour plonger dans la plénitude du labyrinthe scolaire. Là, tout y est appétissant autant qu’indigeste. Appétissant, tellement mon conatus cognitif est insatiable. Indigeste, chaque fois que le conatus de la classe perd sa colinéarité avec le mien et que je ne parviens plus à ramener le cosinus de leur déflexion réciproque plus près de « 1 », en particulier quand mon petit QI est plombé par mon trop gros QE (selon l’éthique spinozo-trigonométrique de Frédéric Lordon).

Etudiant, étudiant, voilà qu’il faut admettre que la thermodynamique accuse l’entropie du crime d’évasion calorifique. Qu’il faut agréer qu’Einstein convoque l’espace-temps comme un tout consubstantiel. Temps qu’il faut néanmoins orienter, mais pas comme l’espace, de sorte qu’ils ont ensemble une origine ponctuelle sortie d’un néant, voire d’un divin. Et voilà qu’il faut admettre tout autant, que ce dieu joue au dé dans le microscopique, alors qu’Einstein lui-même le réfute, et qu’avant de tomber, le divin dé est dans tous ses états à la fois, et non moins intriqué à son anti-dé, quelque part n’importe où, mais avec lequel personne n’anti-joue. Dans une telle confusion métaphysique, les reliquats de ma docilité scolaire me maintiennent en bonnes notes, mais quelques démons me battent les tempes. Celui de Laplace, apollinien, continue de me séduire en premier lieu pendant que celui de Maxwell, dyonisiaque, m’excite au dernier degré, de sorte que je ne peux plus me départir de l’intuition que ces deux-là sont autant de tropismes d’un seul et même . . feu.

Ingénieur, ingéniant, je me réfugie enfin dans les délices booléens déterministes de l’informatique prométhéenne, plus rassurante. Les algorithmes, nécessairement bien pensés et donc bien écrits, semblent ne jamais dégrader aucune information. Mais voilà que la loi de Moore emprunte la même pente irréversible que celle du second principe de la thermodynamique. Quand ce ne sont pas les processeurs qui se complexifient plus vite que les compilateurs, c’est le contraire. Quand ce ne sont pas les systèmes d’exploitation qui s’alambiquent plus tortueusement que les machines, c’est le contraire. Quand ce ne sont pas les logiciels qui s’obscurcissent plus profondément que les règles de programmation, c’est le contraire. Bref, promise prométhéenne l’informatique se révèle épiméthéenne, les solutions se compilent et s’exécutent avant que les problèmes soient complètement analysés et posés. Voler son feu à Héphaïstos et son art à Athéna n’y peut rien changer, pas plus qu’ânonner les vœux pieux d’Hermès. En vérité, en vérité, je me le dis : « l’informaticien n’est qu’un homme nu comme les autres, et l’entropie de ce qu’il produit croît aussi peccablement . . qu’irrémédiablement.« 

C’est ainsi que partout et toujours, l’entropie consume, dissipe, disloque et épuise tout ce qui lui offre des opportunités d’exercer sa puissance alors même qu’ « elle n’a aucun principe ou fin de son exister ou de son agir » et que « sa puissance, qui est son essence même, est infinie« .

Mais tout autant, malgré et grâce à l’entropie, des monades émergent, concentrent, agencent, s’homéostasient, se transindividuent, en un mot consistent, c’est-à-dire persévèrent dans leur devenir-monade, leur devenir-chose, leur devenir-être.

Retraité, re-traitant, comment ne pas blog-noter  tout ça pour le partager ?
. . Que partager d’autre ?

jef Safi (extrait de l’édito du blog-note)