édito 2o19

L’altruisme est humain . . l’homme non plus

L’insurrection des Gilets Jaunes révèle moins la colère des perdants de l’économie consumériste que le supplice de leur sevrage. Comme beaucoup d’autres, beaucoup plus nombreux mais plus invisibles et plus résignés encore, ils subissent les contractions, les précarisations, les manques et bientôt l’élimination. Mais, à la différence de ce peuple fataliste, ceux-là ne veulent pas se résigner à survivre à l’écart, en silence, au compte-gouttes. Ce sont les petites classes moyennes « exclus de l’intérieur », exclus au sens large, territorial, économique, médiatique, culturel, qui voient leurs dépenses contraintes croître quand leur reste-à-vivre fond. Ils voient les possibilités d’exister et de s’émanciper qu’on leur promettait naguère être confisquées ou interdites. Cette humiliation de classe, cet affront à leur dignité, transforment leurs hontes dispersées en une même colère rassemblée.

Le droit du travail ne les protège plus, au contraire, l’emploi et la liberté d’entreprendre se précarisent, les salaires se compriment, le goût du « bon boulot » est saboté par les impératifs comptables, le chômage effectif s’accroît, les services publics qu’ils paient s’étiolent et sont phagocytés par des prédateurs privés, l’état social solidaire auquel ils cotisent se délite et se privatise lui aussi, et « en même temps » ils n’entendent que trop la petite bourgeoisie réactionnaire et donneuse de leçons, calquée et flattée par la caisse de résonance des médias déférents, les culpabiliser d’être des riens, des assistés, de ne pas être agiles, de ne pas être performants, les tourner en ridicule de ne pas être bien élevés, de ne pas être cultivés, de ne pas être toilettés récurés, de ne pas savoir penser parfumé et parler manucuré, etc.

Les Gilets Jaunes, et leurs soutiens, sont assez lucides pour démasquer les escamoteurs qui tentent de les duper. Le tour le plus grossier (et ce n’est qu’un exemple) consiste à « leur rendre ce qui est déjà à eux ». Leur rendre leurs cotisations sociales, pour leur « donner » un pouvoir d’achat « apparent » en échange de l’érosion lente et cachée de leurs assurances solidaires santé, chômage et vieillesse. Ou encore « leur rendre la taxe d’habitation » pour mieux affaiblir les engagements communaux de proximité, au profit des équilibres budgétaires globaux et iniques dictés par la finance internationale. Avec ses tours de passe-passe infâmes le prince prestidigitateur, jeunet et narcissique, les dépouille sans vergogne tout en les humiliant de tout son mépris. Comment ne les mettrait-il pas en rage ?

La prochaine entourloupe est déjà prête. Offrir un Grand Gala démocratique pour mieux subtiliser ce qui n’est déjà plus de la démocratie. Je vous ai compris, dira-t-il gaullien, et vous octroie votre RIC par la grâce de ma révision constitutionnelle. Alors il assignera au RIC des conditions d’applications castratrices et des objectifs frivoles, tout en s’assurant que sa révision à lui soit plus monarchique encore et plus anti-parlementaire que jamais. Il achèvera la division des Gilets Jaunes – division entreprise depuis le début – entre ceux qui veulent bien discuter à vide et ceux qui demeureront plus enragés encore, et qu’il déclarera délinquants dès que l’un d’entre-eux pètera les plombs.

En quelques décennies, le libéralisme individualiste, oublieux d’équité et de fraternité, s’est fondu dans le capitalisme. Il s’est muté en néolibéralisme, ultralibéralisme, ordolibéralisme, etc. Il n’a plus rien de l’humanisme et des droits fondamentaux d’origine. Le simple « droit de propriété », « Usus, Fructus, Abusus », est devenu le « droit de la propriété lucrative » avec son investissement du Fructus devenu essentiellement spéculatif et ses modalités récurrentes d’Abusus devenues la longue traîne nauséabonde des externalités qui nuisent à la gouvernance partagée des biens communs et qu’on ne veut surtout pas intégrer dans les comptes d’exploitation.

Ce néo-ultra-ordo-libéralisme a poussé l’économie dans ses extrémités inégalitaires et délétères, jusqu’à exploser la société en strates hiérarchiques de plus en plus étanches et rivales, à des degrés tels que la disjonction de ces strates échappe même à l’entendement des populations respectives qui y sont enfermées. Ce projet néolibérale autoritaire d’abord, totalitaire bientôt, a-t-il une chance d’aboutir ? Peut-on gouverner une nation stable et juste comme on manage une start-up ? Evidemment non, mais les apprentis qui ont pris l’Elysée après avoir investi Bercy, enfermés dans leurs dogmes technocratiques et managériaux, minablement outillés de calculettes et de tableurs, sont malheureusement convaincus du contraire.

Les Gilets Jaunes ne supportent plus d’être les « sherpas » qu’on maltraite au profit de la caste des « premiers de cordée » qu’on abreuve dans l’ordre économique rivalitaire et brutal des affaires et des rentes. Un beau jour, pour une raison aussi fortuite qu’emblématique, leurs milliers de hontes isolées se coagulent en une même colère partagée, leurs mobilisations locales défensives s’allient dans une même lutte globale offensive. Dans leur sillage sympathisent à l’unisson des groupes sociaux plus misérables mais jusque là reclus et assommés, ainsi que des groupes sociaux plus confortables mais jusque là indolents et léthargiques. La multitude qui se mobilise alors autour des mêmes « affects communs » se fait peuple et s’insurge.

Ce ne sont pas les bons élèves des belles écoles de management et d’administration qui sauront gouverner dans cette tempête avec leurs vieilles boussoles technocratiques et autres règles comptables du siècle dernier. Ils sont incultes et obtus en matières de physique, de systémique, d’anthropologie, de sociologie, et donc d’écologie profonde. Pire, ils ne savent pas qu’ils ne savent pas. Les éduqués supérieurs souffrent souvent d’un biais cognitif endémique, ils se croient vraiment supérieurs et sont donc capables d’entêtements autoritaires funestes. Le novice du quinquennat-là, sorti tout chaud de ce moule-là, a été infiltré à Bercy puis à l’Elysée par ces parrains-là, pour consacrer ces dogmes-là. Chaque matin, devant son miroir magique, il chante «There Is No Alternative» avec tatie Margaret et il le croît vraiment. Néophyte, hier encore, il n’a pas su choisir entre administration et théâtre, alors il s’exerce aux deux en-même-temps, pistonné président, applaudi illusionniste. Pistonné comment ? Applaudi par qui ?

usus, fructus, abusus . . abusus . . abusus . . abusus . . (jef safi/flickr) (1) (2)

Ce sont les trois éléments constitutifs du « droit de propriété ». L’Usus est le droit d’usage d’un bien. Le Fructus, le droit d’en percevoir les fruits quelles que soient les modalités de son exploitation. L’Abusus, le droit d’en disposer quelle que soit la manière : troquer, dénaturer, escamoter, détruire, recycler, blanchir, disperser, abandonner, jeter, etc. Ces effets collatéraux, dédaignés des comptes, se nomment aussi « externalités ».

Alors quand la propriété se fait de plus en plus « lucrative », et que le Fructus se fait de plus en plus juteux, il n’est pas surprenant de voir l’Abusus impunément réitéré se faire de plus en plus . . honteux, odieux, frauduleux, mafieux. La propriété « lucrative », un temps bénéfique en apparence, devient très vite abusive, injuste et prédatrice, inégalitaire et délétère, aussi jouissive pour ceux qui s’en régalent qu’insupportable à ceux qui s’épuisent, contraints et forcés, pour produire un Fructus qu’ils ne partagent pas, et qui souffrent de surcroît des mille conséquences de l’Abusus dont ils doivent supporter et réparer les monstrueuses externalités négatives. Par ses abus, la « propriété lucrative » se fait mortifère (famines, intoxications, migrations, guerres, etc). . .


L’éthique est humaine . . l’homme non plus

Le grand shoot thermo-industriel des deux derniers siècles du pétrole s’achève. Tels sont les temps qui viennent. Ce n’est pas la croissance qui dicte les approvisionnements en énergie et en matières premières, mais l’inverse. Et c’est cet approvisionnement par la puissance extractiviste, qui dicte la puissance économique effective. Or les signes de l’épuisement extractiviste se manifestent déjà, les coûts marginaux d’extraction grimpent, les pays émergents accroissent leur consommation et tendent les marchés, les conflits autour des filons s’enveniment, etc. Au moment où la globalisation atteint ses limites physiques, elle atteint sa finitude, c’est-à-dire l’impossibilité de croître indéfiniment dans un espace fermé.

Par ailleurs, l’inégalitarisme lui-même pourrit le néolibéralisme de l’intérieur. Les derniers investisseurs n’innovent et ne se concurrencent que sur les marchés solvables, ceux du suréquipement des nantis, mais en aucun cas ceux de la satisfaction des besoins primaires des populations exsangues, puisqu’insolvables. Le « ruissellement » existe bel et bien, mais il n’est pas celui du partage des richesses, de la satisfaction des besoins, il est celui de la puissance prédatrice des infrastructures qui pillent les ressources de tous pour les concentrer dans le patrimoine de quelques uns.

La fascination technologique nous amuse et nous abuse. Le nombre d’objets connectés aux apports illusoires explose, pendant qu’explosent non moins le nombre des victimes de famines pourtant rassasiables, de guerres prédatrices aux motifs fallacieux, de pollutions hypocrites et d’épidémies reléguées. Des tours d’acier et de verre s’élèvent au coeur des riches métropoles pendant que des villes de toile s’étendent et se pérennisent dans les déserts d’accueil. Des camps de rétention se multiplient au pied des frontières barbelées, ainsi que des murs de ségrégations ethniques, des bateaux de réfugiés rejetés de ports en ports, etc., pendant que des shootés d’intelligence artificielle s’échangent via satellites des images de chatons mignons ou des commentaires de trolls salaces.

Où est passée la main invisible d’Adam Smith qui devait si rationnellement harmoniser les demandes et les offres en fonction des besoins et des moyens ? Adam Smith et tous ses thuriféraires ont oublié les externalités du productivisme-consumérisme ; l’erreur est d’autant plus funeste que ces externalités sont pléthoriques et on ne peut plus délétères.Dans nos pays prétendument développés, quelques dizaines d’années de gains de productivité à marche forcée, de réductions progressives des droits du travail, de robotisation, d’automatisation, de démantèlement des services publics, de creusement des dettes privées et publiques, etc., ont permis de maquiller ce ralentissement en affichant une bonne mine aux PIBs de référence. Mais le renversement de tendance ne s’arrêtera plus, le fard commence à fondre.

Inexorablement, les signes d’asphyxie des économies néolibérales mondiales vont se multiplier et ce ne sont pas les injections accommodantes de monnaie et autres mécanismes bancaires de tolérance aux déficits et aux dettes qui desserreront ce noeud gordien, au contraire. L’effondrement qui vient est déjà là, il est systémique, économique et financier, bien avant d’être physique, biologique et climatique. Rien n’est plus fragile et sans résilience qu’un tel système sophistiqué de flux tendus réticulaires et rivaux. Où et quand va se glisser le prochain grain de sable ? Le prochain bug ?La décroissance n’est plus une option politique pour écolo-anarchistes, elle est désormais une contingence, une contrainte physique inflexible.

Malheureusement, l’euphorie techno-productiviste a eu le temps d’offrir un confort consumériste déjà addictif, pour les gouvernants autant que pour nombre d’agents économiques intermédiaires, de sorte que la décroissance qui vient s’annonce comme une cure de désintoxication d’une extrême violence. C’est la raison pour laquelle on assiste à la curée des dernières puissances sur les dernières ressources et les derniers profits. C’est la raison pour laquelle cette curée prend de plus en plus des allures de tensions géopolitiques et donc d’affrontements militaires. Comment nos sociétés inégalitaires, qui n’ont jamais su partager équitablement les bénéfices du grand shoot sauraient-elles faire montre de justice et de solidarité au moment de partager pacifiquement le sevrage ?

Comment les derniers trésors vitaux ne bénéficieraient-ils pas d’abord aux plus forts, aux plus futés et aux plus riches, à commencer par ceux qui sont à la fois forts, futés et riches, qui le savent et qui sont armés ?L’entropie s’est accrue exponentiellement, les dégâts écologiques (au sens large) sont devenus manifestes et les consciences instruites plus nombreuses. Désormais, l’hypothèse d’une fin de notre monde n’est plus une probabilité mais une certitude, il n’y a de doute que sur le scénario, le rythme et le calendrier. L’effondrement sera entropique, irréversible selon le 2nd principe de la thermodynamique, et aussi soudain que fortuit selon les lois chaotiques des systèmes dynamiques instables. C’est sans doute pour très bientôt, les lois de la physique le disent, elles ne font pas de politique, elles sont incorruptibles.

Ce qui émerge du grand gâchis, engendré par la surexploitation des ressources et des hommes, est une séparation de plus en plus marquée, entre les frustrés qui s’insurgent et les comblés qui se protègent. Autrement dit, selon les lignes plus abruptes des perspectives qui se dessinent, entre d’une part les crève-la-faim condamnés à périr les premiers et qui s’y refusent, et d’autre part, les repus qui jouissent encore d’espérer survivre un peu plus tard et qui se cramponnent.Si partage il y a, il sera nécessairement coercitif . . ou ne sera pas. Il y a quelques décennies encore, les débats étaient dominés par l’économie et se jouaient, grosso modo, entre sociaux solidaires (alias les gauches, plus ou moins bourgeoises et conformistes, soucieuses d’atténuer les souffrances du plus grand nombre en comptant stupidement sur la bienveillance des mieux lotis) et libéraux rivalitaires (alias les droites, plus ou moins normatives et conservatrices, soucieuses d’optimiser les profits des mieux lotis en comptant sur la soumission du plus grand nombre).

Ces disputes, ces luttes quelques fois même, autour du partage inégalitaire des richesses, occultaient les autres débats. A commencer par le débat écologique qui, lui, se limitait pour l’essentiel à l’opposition entre les archaïques (conservateurs catastrophistes technophobes) et les modernes (progressistes productivistes technophiles) encore émerveillés par les prouesses des magiciens technologiques. Ce temps est fini, ces débats ne sont pas clos mais mutent, et il faut y ajouter désormais les impératifs éthiques qui devraient guider la gouvernance des effondrements probables. C’est dire si on part de loin . . c’est dire qu’il ne nous reste peut-être qu’à « bricoler dans l’incurable ».

L’humanité doit appréhender sa fin, tout comme chaque individu le fait le moment venu, mais comment ? Politiquement et surtout éthiquement ? Qu’en est-il, d’ores et déjà, pour les puissants qui ont compris l’enjeu ? Peut-on dire que les vainqueurs néolibéraux trahissent le peuple des perdants ? Certes ils ne font pas cause commune avec un ennemi, mais c’est pire, c’est eux-mêmes qui se font l’ennemi du peuple, ils l’abandonnent, s’en débarrassent. « L’uniformité (…) ne signifie plus l’égalité. Au contraire, l’enjeu n’est plus d’apporter la même chose à tous, c’est de fournir à chacun ce dont il a besoin. (…) c’est le renouveau de la solidarité. » écrit Macron, dans sa profession de foi « Révolution », une révolution au sens littéral, une contre-révolution au sens historique, une mystification de plus.

Autant dire la fin de l’égalité et de la fraternité au bénéfice de la seule liberté individuelle, celle des maîtres qui veulent décider seuls de « qui à besoin de quoi » . . pour que voguent leurs chaloupes. Le néolibéralisme n’est-il pas déjà devenu un exterminisme ? Ni malthusien, quoique, ni suprémaciste, quoique, mais non moins sauvage, monstrueux, injustifiable.C’est ainsi que le mépris de classe, l’arrogance, la superbe, s’expriment ad nauseam dans le discours des communicants néolibéraux, ainsi qu’au fil des chroniques de leurs médias déférents. Sur le fond, ces mots cachent à peine à qui sait les entendre, l’indignité, le dégoût et l’avanie des maîtres à l’endroit de ceux qu’ils maintiennent en servitude. Alors que le monde s’effondre, les puissants ont délibérément décidé de sacrifier la vile multitude pour maintenir cet ordre inique le plus longtemps possible.

La fin qu’ils caressent justifie les moyens amples et pervers dont ils disposent par héritage, par prédation ou par escroquerie. Pour ceux qui peuvent se sauver un temps soit peu, les « premiers de cordée » d’abord, ce n’est ni la philanthropie ni l’altruisme qui vont les retenir d’abuser de leur puissance.Les grandes puissances ont intégré l’effondrement qui vient depuis 30 à 40 ans. Ils savent que la menace écologique n’est pas la pire, d’autres plus sourdes et plus immédiates disloquent déjà les habitudes. L’horizon géopolitique s’assombrit. Pour les gros joueurs, l’heure n’est plus aux palabres mais aux prises de positions fortes, ou au moins au renforcement des positions acquises. Les régimes autoritaires se multiplient et se renforcent. Les puissances qui se disent encore démocratiques se font insensiblement démocratures.

Ici, les financiers qui avaient déjà pris Bercy ont désormais la main sur l’Elysée. Pourquoi abandonneraient-ils une si bonne dynamique en si belle position ? Leurs banques centrales, la BCE toute comme la FED et la BPC, seront accomodantes jusqu’au bout. Pourquoi abandonneraient-ils cette promesse confortable d’un accompagnement palliatif terminal ?Les jeux sont faits ? . . Rien ne va plus ? . . Nous avons encore le choix, celui de disparaître ou non dans la dignité. Pour le psychologue, c’est l’affaire de chacun. Pour le politologue, a minima à l’échelle de la nation, là où notre corps social se fonde encore sur un patrimoine d’affects communs, ici en France la Liberté-Égalité-Fraternité, le minimum de dignité est de fonder une VIème république citoyenne pour y gouverner le juste partage du dernier sevrage. Ici en France, la macronie ne manquera pas de s’y opposer coûte-que-coûte, la contre-révolution bourgeoise fera tout pour conserver ses privilèges, fût-ce sur le dos des peuples indigènes et migrants.

Ce sera le même combat d’un bout à l’autre du continent européen, à l’ombre de la lutte impériale finale entre la Chine et les États-Unis.Peut-on fonder une démocratie réelle dans le sillage des revendications des Gilets Jaunes ? Oui s’il s’agit de se déclarer « peuple constituant » au sein et au-delà des seuls Gilets Jaunes. Tâche « performative » mais néanmoins difficile car il s’agit de s’entendre entre mouvances différentes, voire entre adversaires idéologiques, pour établir les règles constitutionnelles dans le cadre desquelles on pourra ensuite débattre sans fin, se disputer sans fin, puis voter des lois majoritaires, non pas consensuelles mais consenties. La démocratie ce n’est pas le consensus, mais l’éternelle délibération comme seul remède pacificateur aux conflits qu’excitent en permanence les inévitables dissensus. La démocratie c’est le débat, sinon . . c’est la chiourme.Comment mobiliser un peuple pour un tel projet ? La peur ne mobilise pas, elle paralyse.

La lucidité ne mobilise pas toujours, elle fatalise et résigne les peureux. En un mot, l’humanisme est humain . . mais l’homme non plus. Il faut donc entreprendre de refonder la République, même si la tâche est malaisée et périlleuse, condition sans laquelle elle ne sera jamais « éthique » ! Si nous le voulons, elle pourrait être une démocratie représentative, donc délibérative parlementaire, non pas capturée par des représentants tuteurs du peuple, mais par des représentants agréés par celui-ci, instruits et contrôlés par des citoyens aptes à user de leurs droits ultimes de proposition et de révocation. Alors, et alors seulement, un vote serait enfin une voix, ce qu’il n’est toujours pas aujourd’hui.

Si ce moment advient, ce ne sera que le début d’épreuves beaucoup difficiles encore (décarbonation des processus thermo-industriels, transition écologique soutenable, gratuité des besoins fondamentaux et des services vitaux, éthique financière non spéculative, arbitrages géopolitiques éthiques, etc.), mais gouvernables alors avec tellement plus de dignité et d’exemplarité . . Des épreuves d’autant plus difficiles qu’elles se heurteront inévitablement aux puissances réactionnaires accrochées au statu quo : les puissances économiques transnationales pour l’essentiel, accompagnées de leurs domesticités, des oligarques corrompus jusqu’aux classes moyennes déférentes, enfumées ou endormies.Il n’y a de paradis nulle part ; en refusant le purgatoire démocratique on s’abandonne à l’enfer despotique, aujourd’hui celui de l’extrême-centre néolibéral, ordolibéral, oligarchique, ploutocratique, corrompu et corrupteur. Demain, . . mais c’était quand demain ?

jef Safi

Titres alternatifs :
– Les jeux sont faits ? . . rien ne va plus !
– Quand Donald rencontre Margaret . .
– Ceci n’est pas un Rond-Point . .
– Alex . . au pied, rend les papiers !
– Ceci n’est pas un Grand Débat . .
– À chacun selon « mes » besoins . .
– . ./. .

(2) Le droit de propriété (wikipedia) / Usus (wikipedia) / Fructus (wikipedia) / Abusus (wikipedia) /

Les inserts vidéos ci-dessous sont une sélection des épisodes que nous jugeons significatifs et les analyses que nous estimons pertinentes de la période. Il s’agit d’un point de vue ouvert à la critique i.e. au « débat aussi objectif et raisonné que possible, écartant l’autorité des dogmes, des conventions ou des préjugés, auquel on soumet quelqu’un ou quelque chose pour mieux en appréhender les caractéristiques, y compris un jugement des qualités et des imperfections ». Pour une sélection plus ample et plus profonde et pour ne rien perdre de ce qui vaut d’être lu et entendu (de notre point de vue), vous êtes invités à parcourir les contenus qu’indexe le bloc-note Entropy ≥ Memory * Creativity ² . ./. .

L’ère d’un « peuple de citoyens constituants » n’est pas une chimère mais un impératif éthique. L’entretien complet de Chantal Mouffe est ICI . .

Qui a peur du peuple aujourd’hui ? En premier lieu l’oligarchie dont les hommes au gouvernement sont les fondés de pouvoir détenteurs de la violence légitime institutionnelle qu’exercent les « forces de l’ordre » qui ne sont plus les « gardiens de la paix ». Cette peur des gouvernants et de leurs parrains est révélée par les ordres qu’ils donnent aux « forces de l’ordre » quand celles-ci outrepassent criminellement les limites de leur mission .

Qu’est-ce qu’une « démocratie représentative » ? C’est une mise sous tutelle si le citoyen n’est pas constituant. Qu’est-ce qu’un citoyen constituant ? C’est un citoyen qui participe de son plein gré à la vie de la cité. C’est-à-dire qui partage avec ses concitoyens le pouvoir de faire la constitution, de faire la loi, d’élire et/ou d’être élu, s’il est élu d’être mandaté et contrôlé par ses électeurs et, le cas échéant, d’être destitué s’il est jugé défaillant.

ICI : Quelle démocratie représentative ?
J.Cagé, C.Girard, F.Boulo & M.Larrère
(Arrêt Sur Images)

Pourquoi nos voisins britaniques sont-ils enfermés dans une impasse entre « ne pas rester » et « ne pas partir » ? Pourquoi leurs voisins, que nous sommes, leur tordent-ils le bras pour qu’ils restent aux conditions de l’UE ou qu’ils s’effondrent sinon ? Pourquoi, ni les uns ni les autres, ne veulent-ils voir qu’à poser le problème en termes binaires, ils se condamnent à ne jamais le résoudre ? Les anglais ne veulent pas mourir seuls à la dérive (même si certains d’entre-eux préfèrent ce sort par dignité), mais ils ne veulent pas non plus mourir dans la prison ordolibérale allemande (même si certains d’entre-eux préfèrent ce sort par vénalité). C’est parce que les traités qui fondent l’UE sont détestables qu’ils sont détestés, qui faut-il être pour le nier ? « L’UE qui sème la compétition et l’adversité récolte la colère et le refus de vivre ensemble des peuples. » Ce n’est pas vouloir quitter l’Europe que de le dire, mais c’est vouloir refonder ses traités sur la base des convergences sociales et écologiques.

Autrement dit, l’insurrection des Gilets Jaunes en France et le Brexit en Grande Bretagne sont-ils deux symptômes du même problème européen ? Oui . . de tout évidence !

Les Gilets Jaunes exigent que la politique reprenne le pouvoir pour s’opposer au totalitarisme ordolibéral de l’UE . . Les brexiteurs aussi ! Qu’attend-on pour refonder les traités européens pacifiquement ? Attend-on que l’Europe explose chaotiquement, qu’elle s’effondre, pour n’importe quelles raisons fortuites, et avec des xénophobes fascisants d’ores et déjà au pouvoir un peu partout ?

Février 2o19 marque une étape majeure de l’insurrection des Gilets Jaunes. La gouvernance de Macron peut échouer dans sa tentative autoritaire de contre-révolution ordolibérale, c’est même désormais son issue la plus probable. 1/ Parce que le peuple a décidé de reprendre la main sur son état social et solidaire et qu’il n’y renoncera plus. 2/ Parce que l’économie mondiale et européenne en particulier, désormais en tension et en contraction durables, ne lui donneront plus les moyens d’entretenir ses domesticités oligarchiques.

Malheureusement, pour le moment, faute de dissoudre l’assemblée, il croit encore pouvoir dissoudre le peuple soulevé (réprimer, judiciariser, etc.) et enfumer le peuple apeuré (pseudo-débats, pseudo-médias, etc.). En ne capitulant pas, il va au mieux perdre un temps dommageable, au pire aggraver la situation.

Mais le peuple soulevé peut échouer lui aussi. Il lui faut impérativement résister aux tentations implosives, que ce soit 1/ par la dispersion en nombreuses tendances aussi rivales que négligeables, ou que ce soit 2/ par une concentration sous une seule bannière récupératrice. Ce que la stratégie programmatique de LFI avait réussi en renonçant à l’alliance des étiquettes du Front de Gauche, jusqu’à la candidature de 2o17, l’insurrection des Gilets Jaunes va devoir le refaire sans leadership emblématique, en fédérant plus largement encore toutes les mouvances plus ou moins révolutionnaires, déjà constituées ou non, pour forcer la Macronie à capituler (ce qu’elle ne fera jamais sans résister par tous les moyens disponibles).

Alors, et alors seulement, la sortie par le haut sera possible avec la création d’une Assemblée Constituante pour fonder une VIe république démocratique « participative » évidemment, mais parlementaire « délibérative » nécessairement, et primo-ministérielle seulement pour coordonner les pouvoirs sans les régenter. Si ce moment advient, ce ne sera alors que le début d’épreuves beaucoup difficiles encore (transition écologique, réforme de l’EU, réforme de l’Euro, arbitrages financiers, arbitrages géopolitiques, etc), mais avec tellement plus de dignité et d’exemplarité . . Des épreuves d’autant plus difficiles que le rêve de « consensus démocratique » se heurtera inévitablement à la réalité du dissensus contre les puissances réactionnaires, hétérogènes mais unifiés par leur même aversion au partage: les puissances économiques en premier lieu, nationales et transnationales, mais aussi leurs domesticités depuis les groupuscules opportunistes (les épouvantails utiles, consentants ou fortuits, séditieux égotistes et comploteurs complotistes) jusqu’aux classes moyennes déférentes (les « ça-me-suffit » enchantés, gros et petits bourgeois, pétainistes et flattés bienheureux).

   L E   V R A I   D E B A T ,   c’est   I C I   ! !

A l’heure où l’intérêt général humain impose des gouvernances « collectivistes et solidaires » des communs, le système néolibéral maintient et durcit sa ligne politique prédatrice mue par les seuls intérêts de l’oligarchie bourgeoise et financière. C’est ainsi que les entreprises d’état qui appartiennent à tous, qui sont « le patrimoine de ceux qui n’en ont pas », sont bradées aux intérêts particuliers des amis de la macronie. Outre que cette politique est une spoliation des citoyens, elle favorise l’accélération des catastrophes sociales et écologiques qu’elle accompagne sans les combattre.

Nous vivons une révolution citoyenne que les Gilets Jaunes ont d’ores et déjà gagnée même si nul ne sait où elle va désormais. C’est comme ça depuis toujours, le présent est fait de son histoire et l’histoire s’écrit en marchant au présent. Gouverner se concentre désormais autour de l’arbitrage entre l’AVOIR et l’ETRE, c’est-à-dire « tout simplement » entre la CONCURRENCE et l’ENTRAIDE. Au moment ou l’insurrection des Gilets Jaunes est le symptôme manifeste d’une crise politique historique profonde, il s’agit d’opérer un changement de paradigme gouvernemental radical, social et écologique, financier et géopolitique, pas de manager comme un CEO affublé de son DRH, une start-up distribuant des bons-points et des blâmes.

Au stade de décomposition de nos pseudo démocraties, de notre 5ème république monarchique en particulier, les élections européennes du 26 mai se sont jouées à qui-perd-gagne, fatalement.

Les deux corps sociaux gagnants sont ceux dont personne ne parle. Les abstantionnistes d’une part, dont le score de 50% surpasse de très loin celui des élus du podium. Et les gouverneurs effectifs de l’économie d’autre part qui, discrets, ni candidats ni élus, s’accommodent fort bien de ce semblant de débat qui ne change rien au statu quo dont ils profitent. Leur partie de monopoly-poker destructrice de l’état social et solidaire peut continuer.

Les deux corps sociaux perdants sont ceux qui, néanmoins, se disputent le podium. L’opposition d’extrême droite d’une part, avec 11.5% des inscrits, fait le plein des votes protestataires de ce moment de crise populaire, mais sans sortir de son étiage habituel. La macronie d’autre part, majorité gouvernementale ultralibérale d’extrême-centre, ne repose plus que sur 11% d’inscrits alors que son champion en rassemblait chichement 18% au 1er tour des présidentielles. Drôle de légitimité, et funeste exclusion de facto de 78% des électeurs qui se voient rejetés de tout débat !

Les autres candidatures se sont éparpillées façon puzzle. La mauvaise surprise est le score de LFI qui ne profite pas de son soutien aux revendications sociales des Gilets Jaunes (partagés quant à eux entre RN et abstentions) et qui, délaissant la difficile campagne écosocialiste de « l’avenir en commun », voit les fruits de son combat écologique cueillispar EELV et son projet démocratique de 6ème république passer sous silence. La surprise est aussi le score d’EELV qui témoigne des fortes sensibilisations et mobilisations écologiques des jeunes électeurs (pris aussi pour partie à LREM).

Au regard du discours de Yannick Jadot c’est une bonne nouvelle pour l’écologie, mais qu’en sera-t-il dans l’action sociale et politique ? Il n’y aura de refondation écosocialiste nationale et européenne, 1/ que si LFI recentre ses campagnes sur « l’avenir en commun » en l’élargissant à la gauche radicale européenne ; 2/ et que si EELV ne se laisse pas glisser vers l’écolo-libéralisme de ses alliés européens. Jadot se dit anticapitaliste, connait le piège où tomba naguère Hulot à l’ombre de Macron, mais qu’en sera-t-il dans l’action face à la majorité ordo-libérale ? On peut craindre que le green-washing ait de « beaux » et tristes jours devant lui. Quel groupe EELV va-t-il rejoindre au parlement européen pour combattre cette écologie de façade ?

Les ordo-libéraux gardent la main. Après 30 ans de catéchisme usurier des uns et de fausses contritions sociales-démocrates des autres, le statu quo européen perpétue la ligne la plus stupide, tout faire pour que rien ne change. Elle mène inévitablement à un néolibéralisme autoritaire, déjà « en marche » avec Macron, et au clash de l’UE et de sa monnaie inique.

Et maintenant ? Il n’est pas trop tard pour poursuivre l’élaboration du « moment populiste » (au sens de Chantal Mouffe), c’est-à-dire concrètement de « fédérer le peuple pour refonder la gauche » (au sens de la LFI) et non pas d’en rafistoler les débris du passé social-démocrate ! Alors et alors seulement on pourrait sortir du piège de la Ve république qui légitime un pouvoir minoritaire, donc autoritaire, coaguler une fédération populaire égalitaire autour et au-delà des Gilets Jaunes, puis sortir du piège de l’UE en oeuvrant à refonder une Europe d’états coopérants et non pas d’états concurrents.

Bilan de rentrée ? Rien n’est réglé, au contraire ! ? « Tournez la question comme vous voulez. Nous n’avons d’autres alternatives que d’oser l’impossible, ou de ramper comme des larves sous le talon de fer qui nous écrase. » (Raoul Vaneigen – Le Monde du 31 08 2o19). Ce sera le cas, tôt ou tard, radicalement, nécessairement. Malgré les questions téléphonées, doxiques donc indigentes de Lenglet, les analyses de Todd sont lucides et limpides. Ne reste à notre démographe anthropologue qu’à intégrer les réalités physiques des conditions de possibilité d’un effondrement systémique avant l’horizon procrastiné du GIEC (Todd n’est toujours pas physicien, dommage !) et à intégrer la réalité d’une gouvernance ultralibérale de plus en plus totalitaire, feutrée en apparence mais néanmoins fascisante (Todd, trop anglo-saxon, n’est pas suffisamment politologue, dommage !).

Le jeune arrogant pistonné à l’Elysée, qui avait déjà atteint son seuil d’incompétence dès l’affaire Benalla, désormais s’enlise et ne se maintient que par la pression de ses forces de l’ordre. Reste au peuple à tracer la ligne Rouge&Verte autour de la Ligne Jaune d’un Front Populaire Ecologiste qui, le moment venu, contraindra le totalitarisme néolibéral à capituler. Le temps presse, car la macronie d’extrême-centre, à l’aide de son épouvantail utile d’extrême-droite, achève déjà sa besogne de destruction systématique de l’état social. Cette course de vitesse est en cours . . :

Les inserts vidéos ci-dessus sont une sélection des épisodes que nous jugeons significatifs et les analyses que nous estimons pertinentes de la période. Il s’agit d’un point de vue ouvert à la critique i.e. au « débat aussi objectif et raisonné que possible, écartant l’autorité des dogmes, des conventions ou des préjugés, auquel on soumet quelqu’un ou quelque chose pour mieux en appréhender les caractéristiques, y compris un jugement des qualités et des imperfections ». Pour une sélection plus ample et plus profonde et pour ne rien perdre de ce qui vaut d’être lu et entendu (de notre point de vue), vous êtes invités à parcourir les contenus qu’indexe le bloc-note Entropy ≥ Memory * Creativity ² . ./. .