édito 2o22

Le virus de Ponzi . . contaminait Babel

Si l’histoire du quinquennat en était restée à la longue liste des exactions de notre apprenti monarque, telles que méprisant et brutalisant les Gilets Jaunes, l’élection présidentielle aurait pris la forme d’un referendum et notre petit roi pervers et narcissique aurait été détrôné. Mais le virus de Wuhan et pour finir le Tsar du Kremlin ont effacé les mémoires courtes. La macronie en a saisi l’aubaine pour ne rien lâcher de son dessein post-libéral. Elle en a pris prétexte pour accentuer son autoritarisme infantilisant et poursuivre son projet de dissolution de l’état social, celui qui fait Nation, au bénéfice du coup-d’état oligarchique euro-fédéraliste atlantiste, celui qui veut en finir avec toute souveraineté nationale ou régionale.

La logique historique et sociologique aurait du retenir l’Union Populaire et En Marche pour le second tour des présidentielles. Certes, l’issue en aurait été très incertaine vu le degré d’insouciance crasse du trop grand nombre des endormis. Malheureusement, dans le marasme qu’entretient notre Ve république déliquescente, Macron est réélu par défaut. Ce n’est pas sa personne qui gagne, mais la Nation qui sombre encore un peu plus dans les eaux boueuses de l’ordo-libérale UE et de la militaro-atlantiste OTAN.

Il n’a rien eu à faire pour que les souverainistes qui s’opposent à son entreprise de démolition se divisent, ils l’étaient déjà. La France de droite d’une part, de l’extrême blanche aristocratique à la libérale bleue affairiste, en passant par la racornie vert-de-gris pétainiste. La France de gauche d’autre part, de l’extrême rouge idéaliste à la molle rose-verte bien-pensante, en passant par la radicale jaune-rouge-verte écosocialiste. Mais aussi, et surtout, la France abandonnée, résignée, marginalisée, incolore et abstentionniste. Notre libertarien d’extrême-centre n’a pas eu besoin d’un gros score de premier tour pour être présent au second. Sans surprise, le second tour recycle Macron et tous les moutons frileux, encore engourdis, s’agglutinent autour de lui pour se rassurer entre eux.

Au final,la France électorale n’est pas fracturée en deux, entre droite et gauche, mais bien en trois : l’oligarchie techno-financière néolibérale européiste d’une part et ces deux oppositions. Pourtant, le clivage anthropologique réel et profond, dont ne rendent pas compte les institutions de la Ve République, demeure binaire. Il est celui qui oppose le bloc-bourgeois réactionnaire et autoritaire au bloc-populaire insurrectionnel et réprimé. Autant le bloc bourgeois sait défendre ses intérêts, fût-ce en se tirant la bourre entre charognards sur quelques parts de marché, autant le bloc populaire est déboussolé, fragmenté, incapable de constituer un corps homogène conscient et émancipé. La France n’est pas menacée d’un grand remplacement, mais bien d’une profonde anesthésie pour opérer un dernier démantèlement de l’état social avant dissolution complète dans l’UE et l’OTAN. Mais est-ce si sûr?

La conflictualité gauche-droite n’éclaire plus les débats depuis longtemps. Au contraire même, elle les obscurcit créant et accroissant le confusionnisme dominant. Ce théâtre des jeux d’alternances entretient depuis des décennies l’illusion d’un débat démocratique. Nul besoin d’être assis au premier rang, ou même en coulisse, pour observer que la pièce se joue entre alliés objectifs du statu quo bourgeois, tous dévots du Saint-Marché. Le Front de Gauche puis la France Insoumise l’analysent et le théorisent depuis plus d’une bonne décennie. Ils ne sont plus les seuls, mais ce n’est toujours pas un constat majoritaire. Non seulement la doxa du statu quo bourgeois monopolise le contrôle des médias main-stream mais contamine aussi tout ou partie des esprits à travers tout ou partie des canaux, y compris nombre d’indépendants.  Mais est-ce si définitif ?

Cette pantomime gauche-droite n’est plus qu’une piètre comédie de boulevard entre bourgeois. Les oligarques d’un côté, grands bourgeois, mus par leur cupidité extravagante, et la pseudo-goche, dite sociale-démocrate, petite bourgeoisie culpabilisée par sa charité refoulée et non moins envoûtée par les splendeurs du Saint Marché. En somme, une pantalonnade en trompe-l’œil entre la droite « raide dans ses bottes » et la droite « molle dans sa tartuferie », tous accordés sur les fins et les moyens de la dernière partie de monopoly et de poker menteur. Ils ne se disputent, pour le fun, que les porte-feuilles et les opportunités de pantouflage entre les hautes sphères administratives, publiques pour les uns ou privées pour les mêmes.

Le brouillage des catégories de droite et de gauche a atteint un tel degré de confusion que cette nébuleuse elle-même est devenue une catégorie en soi. Le coup de Jarnac de nos sociaux-libéraux, du PS et de quelques acolytes dans le sillage du virage mitterrandien de 1983, a été d’enfoncer un peu plus la catégorie de gauche dans cette bouillie. Dès lors, le coup de bluff de notre pétulant banquier, tout frais sorti du moule de l’oligarchie, fut de se draper de cette non-couleur pour vendre sa contre-révolution. Pensée complexe ou duplicité perverse ?

C’est ainsi qu’en 2o17, Macron osa titrer son projet « Révolution » : la déconstruction méthodique systématique de l’état stratège et de l’état providence abandonnés aux sacro-saintes lois du Saint-Marché. Alliant la droite raide et la goche molle, il a poursuivi et accentué les réformes structurelles attendues par l’UE. Nourri des vieux dogmes post-libéraux de l’ère Reagan-Thatcher, suivi par Schröder-Blair, il s’attache en France à détruire le « communisme déjà là » (comme l’appellent Friot et Lordon), celui des solidarités sociales héritées du CNR au secours du chômage, de la santé et de la vieillesse (le CNR de la Résistance, pas le bidule de Manu II). Il suffira de le ré-élire pour qu’il liquide ce trésor, le « seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas« , tout en réduisant encore et encore les droits de succession de ceux qui en ont.

Le tour de passe-passe favori de notre escamoteur en chef, si souvent réitéré par ses semblables, consiste à rendre aux contribuables et aux assurés tout ou partie de leurs propres contributions ou cotisations. Telle est la face sociale de la stratégie du « starving the beast ». Le coût est nul pour Bercy qui réduit un peu plus les budgets sociaux. Profitable pour le patronat qui réduit sa contribution solidaire. Préjudiciable aux citoyens dont les plus endormis ne voient pas qu’on leur donne ce qui leur appartient déjà tout en le dépouillant. Ce qu’ils affectaient à leurs propres assurances (chômage, santé, vieillesse, etc.) ne l’est plus. Demain ils pleureront la baisse des indemnités de chômage et de retraite, la saturation des urgences, la destruction de l’hôpital public, la privatisation de l’éducation nationale, tout en oubliant qu’ils furent complices de leur propre arnaque. Le plus tragique de l’histoire c’est que nombre d’entre eux, le moment « démocratique » venu, applaudiront le nouveau « sacre » de leur souverain pickpocket.

De la « poire d’angoisse » au « clysoir » : Usus, Fructus, Abusus . . Abusus . . (jef safi/flickr)

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Le coup de génie des Gilets Jaunes est d’avoir révélé l’hypocrisie de ce théâtre de l’entre-soi bourgeois. En mettant en scène leur colère insurrectionnelle depuis les ronds-points jusqu’aux plateaux TV, face à la cruauté du mépris de classe et à la brutalité de la répression, ils ont montré l’évidence du clivage réel et profond : celui du bloc-bourgeois réactionnaire et autoritaire contre le bloc-populaire révolutionnaire et réprimé. Telle est la « fracture sociale » réelle qui sépare les méprisants des méprisés, les prédateurs de leurs proies, les maîtres de leurs esclaves, etc. L’épisode des Gilets Jaunes a-t-il mis fin pour autant à l’escroquerie démocratique qu’est devenue notre Ve république ?

Notre prétendue démocratie, avec ses prêches bien-pensants et ses exhortations hypocrites au « vivre ensemble », ne cache plus son véritable caractère inique et ségrégatif, celui d’une Tour de Babel captive de son échafaudage sommital de Ponzi.

Au sommet de cet édifice, le post-libéralisme triomphe, les règles perverses de Ponzi règnent : celles du ruissellement des richesses vers le haut. Les bénéfices ne s’investissent plus dans les activités vitales du commun, elles s’investissent dans les biens futiles des consommateurs encore solvables et pour finir s’accumulent dans les patrimoines privés improductifs. Ponzi assèche Babel, l’étouffe, la parasite, l’asphyxie. Les assistés n’y sont pas les éclopés qui survivent dans les caves, mais les sangsues des penthouses, les seigneurs culminants, les nababs du grand Monopoly des rentes, les spéculateurs du grand Poker des dettes.

Est-ce « vivre ensemble » que d’abandonner sciemment un peuple aux inégalités, aux injustices, aux conflits sociaux, aux enlisements écologiques ? Peut‑on gouverner une Nation à la manière d’une Start-Up à coups de modèles comptables réducteurs, de stratégies technocratiques aplatissantes, entretenant un dispositif qui n’enrichit et n’empuissante que les prédateurs déjà pollueurs et les abuseurs déjà repus ? Du haut du clocher de Ponzi, d’aucuns y répondent par l’affirmative. Ce sont les auteurs, les acteurs, les metteurs en scène et les guichetiers de ce théâtre de l’inique absurde.

La « Société du Spectacle » diagnostiquée par Guy Debord dès les 60s, s’épanouit désormais jusqu’à son paroxysme. Les journalistes ignorent les experts, les chroniqueurs éclipsent les journalistes, les influenceurs ringardisent les chroniqueurs, les YouTubeurs se clashent entre-eux et subjuguent leurs followers, etc. La convergence des médias se fait lieu d’une débauche frénétique entre Grand-Guignol délirant et basse Cour des Miracles. Une mise en abîme de l’abîme lui-même, éparpillé sur la toile kaléidoscopique du réseau des miroirs à facettes. Il devient aisé et même opportun d’y étouffer tout débat sous la chape de la doxa, fût-elle incohérente, inepte et irresponsable, « surtout » si elle est incohérente, inepte et irresponsable.

L’effet pervers de ce théâtre est qu’il élève ses mystifications au rang de vérités auto-proclamées, puis de dogmes. Quiconque exprime alors sa distance critique s‘expose à un lynchage pour hérésie, et très vite pour complotisme. Et pourtant, qu’y a-t-il de plus sain en démocratie que l’esprit critique ? Qu’y a-t-il de plus sain que cette capacité de suspendre son jugement le temps d’instruire la pertinence d’une analyse ou d’un récit ? Qu’y a-t-il de plus sain en démocratie que de débattre, c’est-à-dire d’analyser, d’argumenter, de déconstruire les arguments pour les valider ou les invalider. Collectivement, dé-battre pour ne pas se battre.

Il n’y a que deux formes indécrottables de complotisme, celle qui croit qu’il y a des complots partout et celle qui croit qu’il n’y en a nulle part. Développer une analyse critique de la doxa est l’exact opposé de ces deux approches irresponsables. C’est là l’essence même de la démocratie, la liberté d’investigation et d’expression par le débat. La démocratie c’est le dissensus. Le débat qui permet d’établir des lois majoritaires sans jamais cesser de respecter et d’écouter les opinions minoritaires. Le totalitarisme c’est le consensus, inévitablement imposé par la force, la loi du plus puissant imposée aux minorités par coercition jusqu’à la persécution.

Sommes-nous en démocratie ? L’avons-nous jamais été ? Nous vivons des temps où l’esprit critique est suspect, stigmatisé ou interdit. La liberté de penser est anémiée. Le citoyen a un droit de vote qui n’est qu’un droit d’élire. Or élire n’est pas voter. Élire c’est s’abstenir de voter, c’est déléguer son vote à un tuteur. In fine, la démocratie représentative n’est donc que le pouvoir des dits représentants du peuple. Elle n’est pas le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple. C’est pour cette raison que la bourgeoisie l’a voulue ainsi et qu’elle la maintient ainsi, coûte-que-coûte.

Qu’est-ce qu’élire dans ses conditions ? Si les citoyens ne disposent pas d’une information honnête, sourcée, consistante c’est-à-dire complète et cohérente, offerte à leur esprit critique donc publiquement débattue, comment peuvent-ils élire des représentants en toute connaissance de cause ? Dans ces conditions distordues, le « droit d’élire » appelé « droit de vote » tourne inévitablement à l’escroquerie et à l’abus de pouvoir.

Sans information consistante, ce qui s’établit n’est rien d’autre qu’une extension du domaine de l’ensorcèlement, de l’envoûtement, de la captivation, en un mot rien d’autre que la capture de la puissance de pâtir du plus grand nombre au profit de la puissance d’agir du petit nombre des abuseurs. Plus forts, plus riches, plus malins, nombre d’élus peuvent tromper et asservir les plus chétifs, les plus démunis, et les plus naïfs. Plus rien ne s’oppose alors à la perversion de la doxa qui s’érige elle-même au rang de Vérité, avec ce grand V ridicule brandi par les non moins ridicules fake-checkers.

La pandémie Covid-19 en donne un exemple symptomatique édifiant. Du haut de leurs pyramides de Ponzi, toutes les technocraties ou presque, post-libérales ou non, ont paniqué. La pyramide allait-elle s’effondrer ? Les maîtres en place se sont aisément laissé convaincre de leur omnipotence, tout éblouis qu’ils étaient par la prétendue omniscience des lobbies industriels et de leurs cabinets de conseil. Ensemble ils monopolisent la communication et imposent des états d’urgence plus politiques que sanitaires. Il s’agit de sauver le statu quo, l’ordre économique des Ponzi, quoi-qu’il-en-coûte de restrictions des libertés civiques ou d’effets secondaires délétères des directives sanitaires.

Dans ces conditions, pour qui souhaite faire des choix « libres » et « éclairés », se faire sa propre opinion armé de son seul esprit critique est devenu extrêmement difficile. Heureusement, au sein des tours de Babel, existent encore des scientifiques indépendants, sans liens ni conflits d’intérêts corrupteurs. Ils déconstruisent les propagandes de la doxa et les impostures de leurs thuriféraires. Mais, il leur faut alors subir le harcèlement des marginalisations et des décrédibilisations réservés d’ordinaire aux abrutis complotistes ou aux sectaires décervelés.


Le Conseil Scientifique Indépendant réunit publiquement mathématiciens, statisticiens, médecins, psychiatres, biologistes, universitaires, praticiens, philosophes, sociologues, etc., pour partager, échanger et discuter leurs expertises respectives, raisonnables et rationnelles. Tout y est discutable évidemment, comme tous énoncés scientifiques, mais rien ne peut y être ignoré pour quiconque souhaite développer un esprit critique, libre et éclairé. Cliquer ci-dessous :


Il n’y a que quatre régimes de vérité, dit Alain Badiou : l’Amour, la Politique, la Science et l’Art. Naguère les Gilets Jaunes manifestèrent l’émergence d’un régime de vérité Politique, ô combien vivifiant et salutaire. Saurons-nous réitérer cet élan vital ? A contrario, ce n’est pas la Science qui s’exprime à travers les stratégies industrielles pharmaceutiques mais la rapacité, bien avant toute politique du bien commun. Ce n’est pas la Science mais l’économie financière qui s’exprime quand la doxa élève au pinacle l’immunisation vaccinale, pourtant médiocre et éphémère, dangereuse et nocive, en taisant l’existence de soins alternatifs préventifs ou précoces et en censurant les signalements alarmants des organismes de pharmacovigilance.

Où sont passés l’Art et l’Amour ?
Le virus de Ponzi s’acharne, ravage et ronge.
Babel agonise, s’étouffe et s’effondre.

Au moment où l’horizon climatique s’assombrit inexorablement, plus vite que jamais au dire de chaque nouvelle annonce du GIEC, des milliards d’humains s’apprêtent à quitter les zones invivables de la biosphère. Saura-t-on partager les restrictions avec eux, dans ce monde où l’on n’a jamais su partager les surplus. La récession mondiale est amorcée, l’heure approche où le partage de la puissance ne se fera plus à somme nulle mais bien à somme négative. Manifestement, les puissances installées l’envisagent et planifient déjà la défense de leurs positions acquises et si possible leur accroissement, quoi qu’il en coûte pour qui que ce soit.

Est-ce du complotisme que de dire que les enjeux affichés, réels ou fictifs, ne sont que des mises en scène pour taire les enjeux profonds ? Hier encore d’aucun attaquait ici l’Irak ou l’Afghanistan, là la Libye ou le Yemen, etc., les envahisseurs d’alors se faisaient passer pour des héros pacificateurs, vengeurs ou démocratiseurs. Mais quels étaient leurs enjeux camouflés sous leurs fables médiatiques pour spectateurs puérils. Ce sont ces enjeux qu’il faut dévoiler. Ils sont faciles à voir dès lors qu’on remet de l’ordre dans les déterminants physiques, anthropologiques, sociologiques, écologiques, de leur puissance.

La crise ukrainienne est symptomatique de ce que devient déjà le « monde d’après ». Le XXIe siècle naissant est déjà à l’agonie, dépourvu de solutions de survie face à la débâcle écologique. Un XXIe siècle qui n’a d’autres projets de soins palliatifs pour ses populations que les bonnes vieilles luttes médiévales entre seigneurs. Nous n’assistons pas à la guerre de peuples contre d’autres peuples, mais à celle d’oligarchies contre d’autres oligarchies, de dealers contre d’autres dealers, de mafieux contre d’autres mafieux. Des guerres de gros durs cyniques par peuples interposés, apeurés, meurtris, sur quelques territoires intermédiaires. En un mot nous assistons aux dernières luttes rivales entre pyramides de Ponzi concurrentes sur le dos des tours de Babel terrorisées, écrasées, décimées. Les puissants savent que le monde est fini, alors ils se toisent et désormais s’affrontent dans la dernière lutte des titans pour être non pas le vainqueur, mais au moins le dernier vaincu.

Aujourd’hui c’est le Tsar de Russie qui embrase l’Ukraine au prétexte qu’il est exaspéré par le harcèlement des empereurs atlantistes qui jettent de l’huile sur le feu depuis des décennies. Hier encore c’était les Bush père et fils qui démocratisaient le Moyen-Orient avec la même ferveur totalitaire. Quels autres pharaons des autres pyramides de Ponzi engageront demain les monstruosités suivantes ? Quel empereur d’Asie, quel geôlier de Gaza, quel sultan du désert, quel néo-con états-unien, quel Kaiser des Balkans, quel crypto-milliardaire mégalomane ? A quels autres peuples de Babel feront-ils payer la casse en embrigadant les uns pour persécuter les autres ? Ces derniers affrontements sont d’ores et déjà un exterminisme plus radical encore que celui que promet la catastrophe climatique. Dormez bonnes-gens ! Suivez le grand « baroud d’horreur » sur vos médias préférés, ceux des empereurs qui se tirent la bourre et s’exterminent mutuellement leurs pions hébétés ou endoctrinés.

Quand on parle de puissance installée on parle en premier lieu de puissance d’agir physique. On parle de puissance d’extraction des ressources naturelles, à commencer évidemment par les combustibles fossiles pour nourrir les machines. On parle des métaux pour construire les machines du productivisme capitaliste ou mercantiliste. On parle des minéraux pour construire les abris, de l’eau potable et des sols fertiles pour nourrir les mains d’œuvre, on parle des armes à poudre, à atomes ou à virus, pour se défendre et attaquer s’il y a lieu, etc.

On les connaît tous. Du haut de quelles pyramides de Ponzi ces oligarchies de la puissance d’agir règnent-elles ? Deux gros leaders sont d’ores et déjà placés pour être les finalistes : le PC de la Chine d’une part et le complexe militaro-industriel des USA d’autre part. Ils vont s’affronter jusqu’au bout et se combattent déjà par l’entremise de quelques intermédiaires impétueux, envoyant au casse-pipe les auxiliaires prétendants qu’ils soient encore réticents ou déjà supplétifs. A qui profite le crime de Poutine en Ukraine ? Aux USA qui consolident l’ancrage de l’OTAN au frais des supplétifs européens eux-mêmes, et à la Chine qui consolide sa tutelle de la Russie pour maintenir une épine dans le pied de l’OTAN. Qui paie et paiera la casse ? Au delà du peuple ukrainien depuis des années déjà, ce sont et ce seront dès demain les peuples européens dont le peuple russe lui-même, parce qu’ils n’ont jamais su ni voulu arbitrer entre eux la fin du bloc soviétique et du pacte de Varsovie.

Autour des grands seigneurs gravitent la cohorte des petits prétentieux qui se croient encore souverains alors qu’ils ne sont déjà plus que des auxiliaires. L’oligarchie militaro-gazière de Russie menée par le Kremlin, la théocratie d’Iran menée par son guide suprême, le sanctuaire colonialiste Israélien menée par son geôlier de Gaza, les monarchies pétrolières du golfe, l’héritier de l’émirat ottoman, la technocratie ordolibérale de l’UE, etc. Au delà enfin, nombre de petits joueurs n’ont pas encore capitulé, alors qu’ils sont déjà les dindons de la dernière farce. On y trouve, malheureusement pour nous, les états de l’UE phagocytés sous le drapeau de l’OTAN. Une UE dont la prétendue union se sclérose au fur et à mesure qu’elle s’abandonne à son rôle de supplétif géopolitique des USA.

Tous ces joueurs sont assis sur les épaules de leurs Babels respectives en les maltraitant plutôt plus que moins, nécessairement. Il suffit de s’informer, même superficiellement, pour faire la longue liste des maltraitances des peuples sur tous les continents. Partout où les pyramides de Ponzi exercent leur puissance d’agir, elles le font nécessairement en se nourrissant de la puissance de pâtir des peuples. Ces derniers sont-ils complices ou victimes ? Ou les deux à la fois ? Comment et pourquoi ? Leur dilemme est aussi manifeste que tragique, c’est celui de tous les accrocs. Les peuples sont peu ou prou addicts à la puissance et craignent leurs dealers autant qu’ils les vénèrent. Drôle d’espèce, au sort fatalement tragique !

« Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre. » ( Spinoza )

L’humanité est cette espèce animale devenue suffisamment habile et insatiable pour développer sa puissance par consomption ardente et soutenue des ressources de son biotope. Mais elle est aussi cette espèce suffisamment débile et stupide pour persister dans l’erreur tout en constatant qu’elle se suicide. C’est un syndrome très connu, celui de l’addiction, celui du choix de jouir ici et maintenant en croyant remettre à plus tard l’overdose fatale. Nous ne vivons pas un écocide, nous vivons un anthropocide. Frédéric Lordon ajouterait « Cet anthropocide est capitaliste, et il n’y a pas de solution capitaliste à l’anthropocide capitaliste ». Plusieurs biais anthropologiques profonds poussent l’histoire des hommes vers cette impasse d’autant plus sûrement que dealers et junkies partagent peu ou prou les mêmes biais.

L’humanité est une multitude dont l’espérance de vie de chaque individu est très inférieure à l’espérance de vie de l’espèce, de sorte que chacun n’envisage l’overdose et le sevrage que pour plus tard et pour les autres. L’humanité est une multitude d’êtres dotés d’affects communs ambivalents, solidaires tout autant que concurrents, et donc mus par les processus neurophysiologiques de la rivalité mimétique. L’homme est un animal agressif lorsqu’il passe en mode survie, son égoïsme court-termiste est porté par ses peurs, ses envies, ses jalousies, beaucoup plus que par sa rationalité, sa circonspection, sa pondération. La raison est un état plus humaniste que bestial, certes, mais un état métastable fragile donc fugitif. Les instincts bestiaux de survie, quant à eux, sont des moteurs comportementaux permanents inextinguibles, tout juste pondérés par la raison mais seulement quand celle-ci est en mesure de s’exercer.

L’humanité est aussi une multitude de « personnes morales » (entreprises, réseaux, banques, fonds, etc.) dont l’espérance de vie se veut supérieure à celle des « personnes physiques » mais dont l’addiction à la puissance est d’autant plus forte que le bénéfice d’en jouir est très supérieur au risque d’en périr. Ces « personnes morales », euphémisme nauséabond, sont lourdement investies dans les énergies fossiles et feraient faillite si ces ressources lucratives étaient écartées de l’économie. Toute tentative de bifurcation de l’économie entreprenant de décarboner leur approvisionnement énergétique s’opposera à leur résistance acharnée, d’abord illicite et corruptrice, puis mafieuse et finalement criminelle.

La « raison » fut la valeur cardinale de la parenthèse moderne du siècle des Lumières, ouverte par le cartésianisme et fermée par l’hubris techniciste transhumaniste. Aujourd’hui commence le post-modernisme qui témoigne de la fin de l’ére moderne. Ces valeurs modernes étaient hier encore le rationalisme, l’individualisme et le progressisme. Les pyramides de Ponzi s’y accrochent désespérément et font sécession contre la plèbe . Nous entrons désormais, péniblement, dans la post-modernité dont on ne connaît pas encore la nature. Ses valeurs sont déjà non plus le « je » mais le « nous », non plus le rationnel mais l’émotionnel, non plus le progressisme mais le présentisme, le carpe diem. La sagesse populaire s’en empare déjà, raison pour laquelle elle s’insurge et fait sécession contre les maîtres du jeu morbide. Partout, les Babel et les Ponzi divorcent dans les cris et les larmes.

Jusqu’au siècle dernier notre société reposait sur 3 pilliers. 1/ Le pouvoir partagé, le débat démocratique remplaçant le monarque. 2/ Le droit et l’égalité devant la loi assurant la protection de tous les citoyens face aux tyrannies. 3/ Le respect de la propriété privée, inaliénable et sacrée, mais respectant les limites de la liberté publique pour tous. Le post-libéralisme à disloqué cette structure en re-sacrilisant le pouvoir politique. On a remis un roi sur le trône, le marché, et abandonné les pouvoirs effectifs aux abuseurs, les profiteurs des libertés privées lucratives. Les droits et biens communs hérités de l’après-guerre ont été détournés au profit des droits et biens privés. Les externalités négatives, sociales et écologiques, se sont multipliées et leurs coûts exclus des comptes privés. Et pour cause, ils ont été affectés aux charges publiques avec le « consentement » des contribuables endormis.

Quelle est la seule issue politique qui se donne pour objectif l’intérêt général, à tout le moins celui de minimiser les souffrances du plus grand nombre ? En théorie il n’y a que deux options à l’échelle d’un pays civilisé. 1/ Une société très décentralisée d’une multitude de petits lieux à même d’assurer une gestion en commun des communs. 2/ Une société centralisée suffisamment dirigiste et autoritaire pour organiser une bifurcation économique et sociale. En pratique, c’est la transition écologique qui impose ses contraintes, mais les investissements financiers et matériels en ressources sont beaucoup plus lourds avec les énergies renouvelables qu’avec les énergies fossiles. Cette transition impose donc des arbitrages centralisés fortement capitalistiques. L’optimum politique est quelque part entre ces deux options. Pas par un compromis mou mais au contraire par un arbitrage stratégique aussi démocratique que possible et néanmoins aussi déterminé que possible. Il s’agit de créer les conditions de possibilité d’initiatives et de projets écosocialistes raisonnés, centraux et locaux, publics et privés, pour lesquels la finance doit être nécessairement et fortement régulée.

Au moment d’accompagner les derniers soubresauts de l’effondrement du grand capharnaüm thermo-industriel, au moment de réduire les souffrances du plus grand nombre alors que s’impose un sevrage salutaire et solidaire, en un mot au moment d’infléchir « si peu que ce soit » l’histoire, les questions qu’il faut se poser à l’égard de tout projet politique sont simples :

– Est-ce un projet déterminé à sauver l’échafaudage inégalitariste de Ponzi quoi-qu’il-en-coûte de maltraitances des habitants de Babel ?
– Est-ce un projet déterminé à restaurer une viabilité soutenable de Babel en refondant démocratiquement les règles économiques de Ponzi ?
 
Les présidentielles 2022 ont parlé. Le temps n’est pas encore venu de dissiper les confusions. Le temps n’est pas encore venu pour le ventre mou des ballots de choisir entre la solidarité avec leurs peuples des Babel ou la servilité au pieds de leurs empereurs des Ponzi. Les suffrages donnent la mesure des perceptions et des illusions qui distordent profondément la démocratie représentative. Le premier tour clarifie la sociologie électorale. 3/4 des citoyens ce sont exprimé. 1/4 pour Macron le start-upper. 1/4 pour le rassemblement pétainiste. 1/4 pour l’Union Populaire. 1/4 pour le désespoir ou l’indifférence.

I – Le « dégagisme » analysé par JLM (cf. L’Ere du peuple) depuis une décennie s’accomplit. Les vieux alternants PS et LR (ex RPR, UMP, etc.) sont clairement rejetés. Ils s’accrocheront à leurs appareils et leurs carrières encore quelque temps mais disparaîtrons petit à petit parmi les autres candidatures de témoignage.

II – 1/4 de citoyens soutiennent Macron au 1er tour, son score de 2nd tour n’est atteint que par extorsion. Il est le principal défenseur de la pyramide de Ponzi au prix de l’étouffement de la tour de Babel. Sa politique est lisible pour son cœur d’électorat qui ne s’y trompe pas. Il attire aussi à lui nombre de petits bourgeois qui croient encore faire partie des gagnants de l’inégalitarisme post-libéral, ainsi que bon nombre de frileux qui préfèrent s’accrocher à leur « ça me suffit » plutôt que de participer à une bifurcation écosocialiste.

III – 1/4 de citoyens continuent à trouver dans le RN l’exutoire anti-système. La dédiabolisation de la famille Le Pen commençait à s’effriter, mais le contraste apporté par le pétainiste du jour a permis au RN de conserver son image de parti populaire fréquentable. Ce qu’il n’est en rien. Nombre de « fâchés pas fachos » s’y laissent encore prendre. L’illusion brune fonctionne. Le programme économique du RN défend lui aussi la survie de la pyramide de Ponzi, mais il le cache aux habitants de Babel en détournant leur attention vers de vieilles lunes réactionnaires, racistes et/ou sécuritaires.

IV – 1/4 de citoyens ont compris la nécessité de la difficile bifurcation écosocialiste. Mais ont-ils tous compris, NUPES en tête, qu’on parle ici du partage équitable du sevrage thermo-industriel et de l’accompagnement solidaire des souffrances que ce sevrage engendrera nécessairement ?

Si la grille de lecture pertinente de la situation est celle qui distingue le bloc populaire de Babel d’une part et le bloc bourgeois de Ponzi d’autre part, alors le 2nd tour n’était pas un choix mais bien une impasse. Comment choisir entre fascisme résurgent et fascisation en marche ? Comment choisir entre discrimination et inégalitarisme, entre mépris de classe et mépris de race ? Le moment n’était-il pas venu, pour ne pas s’abandonner à la lâcheté de s’abstenir, de formuler l’expression sincère du constat de cette impasse ? Le vote blanc n’est toujours pas pris en compte pour calculer l’étiage de l’élu, mais il est compté et doit être défendu et argumenté. Un jour, si la VIe république advient, le comptage des votes blancs sera le gage de la sincérité des suffrages et il s’accompagnera naturellement de formes abouties de RIC comme autant de gages de choix citoyens libres et éclairés.

La guerre d’Ukraine va enfoncer l’Europe dans le piège atlantiste de sa dépendance énergétique. La récession va s’amplifier depuis son cœur industriel d’Europe centrale. Les chaînes logistiques vont se disloquer. L’inflation va gonfler et s’affirmer durable. Dans les tempêtes qui s’annoncent, seule une majorité législative populaire peut encore permettre à la France d’être gouvernable sans trop de tumultes et d’injustices.

Les élections législatives sont bien le 3ème tour des présidentielles. Mais il manque à la Nouvelle Union Populaire d’avoir convaincu les « fâchés pas fachos » qui se perdent aux extrêmes autant que les résignés qui s’abstiennent encore en masse. Certes la NUPES réunit des courants, des associations, des personnalités qui font la démonstration que cette union est beaucoup plus qu’un arrangement d’appareils. Mais ce rassemblement est incomplet, il ne réunit pas toute la diversité sociologique du peuple des exclus. Où sont les Maxime Nicolle, les Priscillia Ludosky, les Jérôme Rodrigues, les Eric Drouet, les François Boulo, etc., et surtout tous les citoyens, urbains ou ruraux, discriminés ou racisés, précarisés ou invisibilisés, dont ils ont incarné peu ou prou les colères le temps d’une insurrection populaire trop vite oubliée ? Ces absents de la nouvelle Union Populaire interdisent encore à celle-ci de mobiliser et de représenter l’entièreté du bloc populaire que le bloc bourgeois méprise et rejette.

Jef Safi

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ET MAINTENANT !
Comment s’adapter à l’effondrement climatique que notre extractivisme et notre productivisme ne cesseront plus d’aggraver ? Comment amortir l’effondrement économique et financier qu’aggravent déjà les rivalités géopolitiques entre dealers de fossiles comme entre junkies ? Comment, au moins à notre petite échelle locale, ré-articuler les affects communs sans oublier personne c’est-à-dire sans abandonner les perdants de la fête ? Saurons-nous périr dans la « dignité » sans sombrer dans la barbarie ?

Les inserts vidéos ci-dessus sont une sélection des épisodes que nous jugeons significatifs et les analyses que nous estimons pertinentes de la période. Il s’agit d’un point de vue ouvert à la critique i.e. au « débat aussi objectif et raisonné que possible, écartant l’autorité des dogmes, des conventions ou des préjugés, auquel on soumet quelqu’un ou quelque chose pour mieux en appréhender les caractéristiques, y compris un jugement des qualités et des imperfections ». Pour une sélection plus ample et plus profonde et pour ne rien perdre de ce qui vaut d’être lu et entendu (de notre point de vue), vous êtes invités à parcourir les contenus qu’indexe le bloc-note Entropy ≥ Memory * Creativity ² . ./. .